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Désherbage alternatif Nicolas Munier-Jolain, Inra : « Le gain de charges ne compense pas la perte de rendement »

Avec le développement de résistances et la découverte de pollution dans les eaux souterraines et de surfaces, les produits phytosanitaires deviennent « l’ennemi à abattre ». Cependant, le retrait de nombreuses molécules laissent souvent les agriculteurs démunis face aux adventices, aux maladies ou aux ravageurs. La recherche doit relever un nouveau défi : proposer des solutions alternatives aux agriculteurs conformes aux nouvelles directives gouvernementales et économiquement viables.

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Interview de Nicolas Munier-Jolain, spécialiste des systèmes agricoles à faible usage d’herbicide à l'Umr biologie et gestion de adventice de l'Inra de Dijon


"Il faut réconcilier agriculture et environnement.
La profession est démunie.
Aucune technique seule
n'atteint le taux d'efficacité des herbicides (98%).
La solution réside dans la combinaison de plusieurs techniques"
(© LG, Terre-net Média)

Terre-net Média (TNM): De quelles techniques alternatives dispose l’agriculteur s’il n’a plus les herbicides ?

Nicolas Munier-Jolain (N.M-J): Il existe différentes techniques à disposition de l’agriculteur comme la diversification des rotations, la réalisation de faux semis, mais aussi les choix variétaux. Diminuer l’écartement entre les plants permet également de densifier plus rapidement le couvert et par conséquent de diminuer le rayonnement disponible pour les mauvaises herbes. Le travail du sol joue également un rôle non négligeable dans la lutte contre les adventices, parmi lequel on retrouve le désherbage mécanique.

TNM : Le désherbage mécanique est souvent accusé d’être plus impactant qu’un désherbage chimique par exemple. A ce propos que révèlent les Analyses de cycle de vie (Acv)?

N.M-J : Contrairement aux idées reçues, les consommations de gazole du tracteur ne sont finalement que faiblement impactantes, si l'on considère les émissions de gaz à effet de serre. Les Acv pèchent généralement par rapport à l’azote contenu dans les engrais. En effet, ils génèrent des gaz ayant un fort impact sur l’effet de serre comme les oxydes d'azote. Afin de diminuer cet impact, il est préférable d’introduire une culture de légumineuses. Il est donc plus efficace d'optimiser la fertilisation azotée que de limiter le nombre de passages d'outils lorsque ceux-ci sont nécessaires. Les résultats obtenus sont tout de même meilleurs que ceux en culture conventionnelle.

TNM : Concrètement pour un agriculteur, quels vont être les changements engendrés par la diminution de l’usage des herbicides ?

N.M-J : Le premier gain concerne selon moi la santé de l’agriculteur. Des études ont déjà montrées l’impact qu’avait l’utilisation d’herbicides sur la santé des exploitants. Diminuer leur utilisation ne peut être qu’un bien à ce niveau là. D’autre part, l’agriculteur devient maître de son système, alors qu’avant il se contentait d’appliquer des herbicides mécaniquement. Il gagnera ainsi en intérêt pour son métier.

TNM : Mais d’un point de vue économique ?

N.M-J : Economiquement ce n’est pas si simple. En effet, les herbicides pèsent sur les finances des exploitations. La diminution de leur utilisation entraîne donc une baisse des charges. Cependant, cet allègement des dépenses ne suffit pas à compenser les pertes constatées en termes de rendement sur le résultat global de l’exploitation. Les coûts de production en blé sont en effet identiques à un système conventionnel. En revanche, les pertes proviennent de mauvais résultats des cultures printanières, pourtant indispensables.

TNM : Comment peut-on remédier à ce phénomène ?

N-M-J : Il en va du ressort des dirigeants. C’est à eux de mettre en place des politiques publiques volontaristes, pour compenser les pertes liées au rendement afin d’inciter les agriculteurs à modifier leur pratiques culturales.

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